Air France : le crash inévitable ?

Julien Azoulai
3 min readJul 8, 2020

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Alors que la compagnie nationale, en grande difficulté après la première phase de la Covid-19, prévoit de se séparer de plus d’un quart de ses effectifs à l’horizon fin 2022, le ciel semble s’obscurcir pour le fleuron français de l’aérien.

Un Airbus A320 d’Air France posé sur le tarmac de l’aéroport international Toulon-Hyères, le 31 décembre 2019. (Julien Azoulai — TDR)

C’est un coup dur pour les salariés d’Air France et peut-être l’énième signe de la fin d’un âge d’or pour l’aéronautique. L’annonce, vendredi 3 juillet, par voie de communiqué, d’un plan de restructuration prévoyant notamment la suppression de près de 20% des postes, y compris chez sa filliale régionale, Air France HOP!, suscite des craintes, alors que les perturbations se succèdent pour le secteur de l’aérien.

Des syndicats préoccupés

Au moment où l’avionneur européen Airbus est lui aussi dans la tourmente avec 5.000 emplois menacés en France, la compagnie française, vieille de 86 ans, entame une transformation profonde, après “une baisse d’activité de 95%” pendant la crise, précise le groupe.

Chez la CFDT Air France, si l’on se met d’accord sur l’urgence du sauvetage, on fustige toutefois un plan qui ne répond “que très partiellement” aux interrogations posées par la crise, se concentrant sur la “réduction des coûts, une fois de plus”, au lieu d’adopter une vision plus globale.

Ces suppressions d’emplois sont hélas définitives, tandis que la baisse d’activité est, selon toute vraisemblance […], temporaire.

Le syndicat pose également la question des conséquences de la refonte du réseau domestique quant à l’avenir de la marque dans les territoires. Territoires qu’elle pourrait délaisser. En témoignent les nombreuses manifestations d’élus locaux partout en France, qui, vent-debout, réclament le mantien de certaines lignes régionales.

L’Etat et ses contreparties

Car c’est bien là l’un des axes majeurs de la transformation à venir pour le groupe Air France. D’ordre social et environnemental, elle avait d’ailleurs été soulevée, début mai, par Bruno Le Maire, ministre de l’économie, comme une contrepartie de l’aide de 7 milliards d’euros accordée par l’Etat à l’entreprise.

L’avion ne doit plus être un moyen de faire en 1h ou 1h15 des transports qui pourraient se faire à moindre coût de CO2 par train en 2h ou 2h30. Ce doit être la règle et nous la ferons respecter.

Cet essoufflement général du modèle “tout-avion” pour le marché domestique, porté notamment par des élus écologistes depuis quelques années, et qui fait écho au mouvement “flygskam” — en suédois, la honte de prendre l’avion — popularisé par la jeune activiste Greta Thunberg, ressurgit aujourd’hui comme la pierre angulaire de la mue du secteur aérien.

Des difficultés en série

C’est en tout cas un autre obstacle pour la compagnie, telle une dichotomie, entre la nécessité, d’une part, de se relever de la crise, et de l’autre, de préparer son business model aux enjeux du monde de demain, conformément à la feuille de route imposée par l’Etat.

Un dilemme qui vient s’ajouter à de nombreuses incertitudes quant à la reprise du trafic, à la baisse de la demande et aux levées des restrictions au niveau global, avec pour seule crainte, l’ombre d’une seconde vague qui pourrait ressurgir d’ici à quelques mois.

Dans l’état actuel de la situation, Air France ne prévoit pas retrouver le niveau d’activité de l’année 2019 avant 2024.

Avec près de 15 millions d’euros perdus par jour au plus fort de la crise, l’enjeu est de vite redécoller, car comme le rappellent souvent les spécialistes du secteur, “une compagnie aérienne n’est pas éternelle”…

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Julien Azoulai
Julien Azoulai

Written by Julien Azoulai

Journaliste amoureux des idées, du débat et de la contradiction. Curieux invétéré, passionné assurément. Officie à la radio. Formé à l’école de la presse écrite